
Jean Miotte
Figure de l’art moderne, Jean Miotte est un peintre français : son abstraction personnelle le place à la frontière entre l’art informel, le tachisme et l’abstraction lyrique. La création d’une fondation Jean Miotte à Fribourg, répond à un vœu exprimé de son vivant accompagné de Dorothée Keeser, avec pour fonction de permettre le rayonnement de son œuvre en France et à l’étranger. À la suite d’événements imprévus, son transfert s’est fait dans le quartier culturel de Chelsea à New York en 2003. « Quand vous arrivez à vous imposer à New York, vous vous imposez dans le monde » Jean Miotte.
La fondation organise des rencontres, critiques d’art, conservateurs de musées, commissaires d’expositions. Elle assure enfin un service d'expertise et d'authentification des œuvres de l’artiste.
LES ANNÉES DE FORMATION DU PEINTRE JEAN MIOTTE
Jean Miotte naît à Paris le 8 septembre 1926 et passe son adolescence dans une capitale occupée : il a dix-huit ans à la fin de la guerre. « C’est dans ce contexte de bouleversements et de chocs idéologiques planétaires, que s’exacerbera son désir d’autres valeurs, d’autres engagements spirituels. De là, date son hostilité à tout embrigadement, à tout effet de groupe. À dix-neuf ans, il l’a décidé, son chemin sera solitaire » soutient Serge Lenczner. Après des études de mathématiques, Jean Miotte s’acquitte de son service militaire. Il raconte : « J’avais été frappé par la laideur des locaux et des décorations murales environnantes et je me jurais dès la première minute de transformer cela. » Il se met alors à peindre les murs des salles de repos (« Du Pop Art avant la lettre. De belles filles sur des plages pour distraire le soldat » précise Jean Miotte) mais également des décors pour le théâtre de la caserne.
Atteint de tuberculose, son service militaire est écourté et il est hospitalisé pendant plusieurs mois durant lesquels il peint et il dessine. Rétabli, il poursuit ses recherches artistiques dans un Paris en pleine ébullition et fréquente les académies libres de Montparnasse : la Grande Chaumière, les ateliers d’Othon Friesz et Ossip Zadkine… Jean Miotte peint alors des nus ainsi que des compositions imaginaires. Il s’intéresse à Jacques Villon, Georges Rouault et Henri Matisse.
L’IMPORTANCE DE LA DANSE DANS L’ŒUVRE DE JEAN MIOTTE
En 1948, Jean Miotte suit ses amis russes à Londres où se produisent les ballets russes du colonel de Basil. Il découvre avec joie le monde de la danse. Il raconte : « Je savourais les premiers émerveillements et découvertes du monde chorégraphique, de l’arabesque, de l’organisation scénique de la ligne, du rythme… » Jean Miotte se lie d’amitié avec des figures clés de la danse, tels les danseurs Zizi Jeanmaire, Wladimir Skouratoff et Rosella Hightower qui lui demande même des décors pour des chorégraphies. Jean Miotte se rapproche ainsi du Grand Ballet du Marquis de Cuevas dont Rosella Hightower et Wladimir Skouratoff font partie, basé à Monte-Carlo. À la fin des années 1940, Jean Miotte dessine souvent des danseurs. Non-figurative par la suite, la peinture de Jean Miotte se nourrit du jeu dramatique et de la performance. Le mouvement devient absolu dans son œuvre. Jean-Clarence Lambert parle de sa peinture comme d’« une abstraction chorégraphique ». Jean Miotte souhaite une fusion des arts plastiques et scéniques. Il confie : « Je me passionne pour la danse et la chorégraphie. Je rêverais d’une synthèse magnifique de la peinture, de la musique et de la chorégraphie. » Au cours de son œuvre, Jean Miotte réalise plusieurs décors de scène ainsi que des costumes. En 1994, sa toile spectaculaire Sud, longue de cinq mètres entre dans la collection de l’Opéra national Bastille où elle est exposée.
LES PREMIERS SUCCÈS DU PEINTRE JEAN MIOTTE
Jean Miotte voyage en Italie et découvre l’art du Quattrocento. Il rencontre également les artistes Piero Dorazio, Lorenzo Guerrini et Achille Perilli. De retour à Paris, Jean Miotte est marqué par la peinture de Robert Delaunay et de Fernand Léger.
En 1950, Jean Miotte peint son premier tableau abstrait. Il vit et travaille à Meudon où il se lie d’amitié les artistes Jean Arp et Gino Severini : deux figures clés, l’une pour l’art abstrait, l’autre pour l’importance du mouvement. Jean Miotte se rapproche aussi de Sam Francis, qu’il rencontre en 1952 et qu’il visite dans son atelier à Ville-d’Avray. En 1953, Jean Cassou achète une toile de Jean Miotte pour le Musée d’Art moderne de Paris. Cette même année, Jean Miotte expose pour la première fois au Salon des Réalités Nouvelles auquel il participera régulièrement par la suite. Jean Miotte est aussi contacté par le critique d’art Michel Seuphor pour son ouvrage Dictionnaire de l’art abstrait qui paraîtra en 1957, dans lequel sa peinture est décrite comme des : « compositions hautes en couleur au dessin bien articulé et qui tient le mur ». L'œuvre de Jean Miotte est une œuvre personnelle, entre Abstraction lyrique, Art informel et tachisme. « Il faut citer les noms des peintres qui, par leur lyrisme, font exception à la règle générale de froideur… Celui de Jean Miotte, dont une toile lumineuse et aérée transmet une émotion indéniable » écrit le critique d’art Alain Jouffroy. Les tableaux de Jean Miotte sont créés dans un geste immédiat, une fulgurance. « Le mouvement est ma vie » rappelle-t-il. On le compare d’ailleurs à Jackson Pollock.
Jean Miotte ne passe jamais par le croquis. Il se différencie en cela de Hans Hartung par exemple. Le critique d’art américain Harold Rosenberg appréciait particulièrement cette pratique : « Le plus important dans l’art c’est la fraîcheur. » Cette peinture libre et instinctive est influencée directement par le surréalisme. L’esprit est libéré de toute contrainte de réflexion : « C’est l’intuition qui compte avant tout lors de la naissance de l'œuvre ». Jean Miotte évoquait sa peinture comme le « résultat de conflits intérieurs, ma peinture est une projection ; une succession de moments aigus où la réalisation se fait en pleine tension spirituelle. La peinture n’est pas une spéculation de l’esprit ou de l’intellect, elle est un geste qu’on porte en soi ». Jean Miotte rencontre Roberto Matta qui lui dit : « Le surréalisme est pour moi un combat. (…) Toi aussi, tu es un combattant, tu es comme moi, tes peintures ne sont pas abstraites. »
L’influence du cubisme est là aussi. Comme ses prédécesseurs ont décomposé pour recomposer, Miotte « dé-réalise ». Avec Jean Miotte, c’est « l’orchestration d’un monde qui explose » selon Karl Ruhrberg. Ce dernier souligne d’ailleurs le fort attachement de Jean Miotte à ses origines nordiques, notamment Frans Hals « qui comme lui a allié une peinture spontanée et une harmonie entre impulsion et équilibre ».
En 1954, Jean Miotte installe son atelier dans l’hôtel particulier du sculpteur le Prince Yiouriewitch à Boulogne, où vécurent également les artistes Jacques Lanzman et Serge Rezvani. L’année suivante, le peintre Henri Goetz fait visiter cet atelier à ses élèves. En 1957, Jean Miotte participe à l’exposition 50 ans d’art abstrait à la Galerie Creuse à Paris. Une exposition personnelle lui est consacrée à la Galerie Lucien Durand à Paris. À partir de 1958, Jean Miotte est représenté en Europe par le marchand Jacques Dubourg. Cette année-là, Jean Miotte rencontre les peintres André Lanskoy, Serge Poliakoff et Pierre Dmitrienko.
Jean Miotte rencontre le succès en Allemagne où dix expositions lui sont consacrées dans les années 1950, notamment à la Kunsthalle de Recklinghausen en 1958. Il participe également à une exposition collective de quinze peintres au Kunstverein de Cologne. En 1960, le Ludwig Museum de Cologne achète une œuvre de Jean Miotte.
LE PREMIER VOYAGE AUX ÉTATS-UNIS DU PEINTRE JEAN MIOTTE
Jean Miotte expose à la première Biennale de Paris en 1959 dans la « Section Informels » avec Raymond Hains, LeRoy Neiman, Peter Foldes et André Favory. L’année suivante, Jean Miotte présente deux toiles à l’exposition d’ouverture de la Galerie Karl Flinker à Paris. Il participe également à l’exposition inaugurale de la Galerie Iris Clert à Paris. En 1961, Jean Miotte participe avec Sam Francis, Georges Mathieu et Jean-Paul Riopelle aux expositions collectives de la Galerie Swenska-Franska à Stockholm et à la Galerie Bonnier à Lausanne. La même année, il reçoit le Prix de la Ford Foundation et est invité aux États-Unis pour six mois. L’année suivante, une exposition personnelle est organisée à la Galerie Iolas de New York. Jean Miotte rencontre alors des artistes américains : Robert Motherwell, Mark Rothko, Chaïm Jacob Lipchitz et Alexander Calder. Jean Miotte voyage aux États-Unis et tient une conférence à la Colorado Spring University.
LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE POUR LE PEINTRE JEAN MIOTTE
En 1963, une rétrospective Jean Miotte est organisée au Stedelijk Museum de Schiedam, reprise ensuite au Musée de Groningen aux Pays-Bas. Jean Miotte participe la même année à l’exposition collective Art Contemporain au Grand Palais à Paris. En février 1964, l’historien d’art portugais José-Augusto França écrit sur la peinture de Jean Miotte dans la revue Costruire : « Peintre gestuel d’esprit français, Miotte s’exprime en constructif malgré l’impression de véhémence immédiate qui se dégage de ses toiles : son art outrepasse l’esthétique d’après-guerre, se distinguant d’une façon plus moderne par une conscience d’indépendance de l’idée de créer. » Dans les années 1960, de nombreuses expositions Jean Miotte sont organisées en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark et en Belgique. Il travaille alors dans le Midi, à Pignans. En 1967, il expose de nouveau au Stedelijk Museum de Schiedam lors de l’exposition collective Huit peintres de Paris, aux côtés de Chafik Abboud, Olivier Debré, Karskaya, Jean Messagier, Carl Moser, Louis Nalard et Paul Rebeyrolle.
En 1970, Jean Miotte devient membre du Comité des Réalités Nouvelles. Il expose quarante toiles à la Fondation Prouvost à Marcq-en-Baroeul. À partir de 1971, Jean Miotte utilise la surface de la toile brute écrue comme élément de ses compositions. L’année suivante, il séjourne à nouveau aux États-Unis, à New York et à Washington. Quarante-six de ses toiles sont exposées à l’International Monetary Fund à Washington. Jean Miotte installe son atelier à Hambourg en Allemagne. En 1975, une monographie de Jean Miotte est publiée, contenant un texte du marchand Castor Seibel : « Aucune imitation, aucune reproduction, mais l’évènement intérieur trouve son expression dans les couleurs et un dynamisme gestuel… La peinture de Miotte est un lieu où les contradictions de notre temps ne sont plus exprimées dans un sens dualiste… En ce sens, J. M. est un créateur important de formes nouvelles. »
L’année suivante, Jean Miotte expérimente avec le support papier et réalise quatre-vingt gouaches, ainsi que des collages de krafts et de journaux. Une de ses œuvres est acquise par le Musée de Maassluis en Hollande. Il expose à Padoue aux côtés d’Enrico Baj, Alexander Calder et Karel Appel. Jean Miotte installe son nouvel atelier à Vitry-sur-Seine. Il expose au Centre culturel de Malines en Belgique lors de l’exposition collective Kunst in Europa 1920-1960 qui rassemble les grands noms de l’art contemporain de l’époque.
En 1978, Jean Miotte est invité à donner des conférences dans le cadre de ses expositions au Centre culturel français de Damas, puis au Musée d’Alep en Syrie et enfin à Amman en Jordanie. La même année, Jean Miotte installe son atelier à New York où il est représenté par la Martha Jackson Gallery. Son travail est présenté lors d’expositions sur la peinture française des années 1950 à la Maison de la culture de Grenoble, au Musée de Dunkerque et au Musée de Saint-Omer en France.
LES VOYAGES EN ASIE DU PEINTRE JEAN MIOTTE
En mai 1980, Jean Miotte expose cinquante œuvres à Pékin au Centre culturel français. Il est le premier artiste peintre occidental à être invité à exposer ses œuvres à Pékin après la mort de Mao. Jean Miotte en profite pour visiter la Chine. En 1982, il expose soixante toiles au Hong Kong Art Center, puis à l’Institut franco-japonais de Tokyo. L’année suivante, Jean Miotte expose au National Museum of Singapore et au National Museum of History de Taipei. En 1984, Jean Miotte est exposé au Striped House Museum de Tokyo.
Le Guggenheim Museum acquiert deux œuvres sur papier de Jean Miotte en 1987. En 1991, le Centre Georges Pompidou à Paris expose les gravures commandées par Danielle Mitterrand pour son album Mémoire de la liberté. Cinquante-cinq artistes participent à ce projet, dont Jean Miotte, Roy Lichtenstein, Antoni Tapies, Sam Francis et Robert Rauschenberg. L’année suivante une rétrospective Jean Miotte est organisée au Palais des Arts de Toulouse.
La Fondation Jean Miotte est ouverte à New York en 2002 avec une collection permanente de ses œuvres. Elle est aujourd’hui basée à Fribourg en Suisse. Jean Miotte décède le 1er mars 2016 à l’âge de 89 ans.
© Galerie Diane de Polignac / Mathilde Gubanski